UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


La « Grande Sécu », l’avenir d’une illusion !


L'idée d'une "Grande Sécu" parait séduisante. Mais serait-ce une avancée sociale ? L'analyse d'Yves Vérollet, secrétaire national de la CFDT Retraités en charge de la protection sociale.

Un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) vient d’être adopté sur les relations entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé (mutuelles, assurances, institutions paritaires). Des fuites, probablement organisées, avaient essentiellement repris au mois de novembre l’un des 4 scénarios étudiés par le HCAAM, celui dit de « la Grande Sécu ».

L’idée est séduisante parce que nous savons tout ce que nous apporte « notre » Sécurité sociale. Il existe un courant, tant au sein de la haute Fonction publique que chez de nombreux responsables politiques, poussant l’idée de faire prendre en charge l’intégralité des soins de santé par l’assurance maladie obligatoire. Le gouvernement semble tenté d’emprunter cette voie au nom de la simplicité, de l’efficacité et de promesses d’économies.

Un budget Sécu entièrement piloté par l’État ?

Tous les États sont soumis à des tensions budgétaires fortes. Chez nos voisins britanniques dont le système est piloté par l’État, il est possible d’observer les soubresauts du financement de la politique de santé, au gré des changements d’orientation des majorités politiques. En France, la politique hospitalière financée par la Sécurité sociale mais les choix budgétaires décidés par l’État ont provoqué la crise que nous connaissons. Avant la crise de la Covid, le gouvernement avait décidé de replacer l’assurance maladie en déficit, en ne compensant pas toutes les exonérations de cotisations, dans une volonté de rapprocher progressivement budget de l’État et budget de la Sécurité sociale. Puis, comme l’indique la Confédération, « le choix d’attribuer la dette Covid à la Sécurité sociale afin d’alléger les finances publiques va limiter durablement ses capacités futures ».

La Grande Sécu ne prendra pas tout en charge

Une telle évolution serait bien éloignée du projet du Conseil national de la Résistance d’une Sécurité sociale universelle dont veulent se réclamer beaucoup de promoteurs de cette idée. Le concept de « Grande Sécu » donne l’impression que la Sécu va tout prendre en charge. Or le gouvernement ne s’engagerait que sur la part actuellement remboursée à laquelle s’ajouterait le ticket modérateur. Pas sur les dépassements d’honoraires, ni sur les dépenses engagées par les complémentaires sur lesquelles la Sécu est peu ou pas engagée.

Cette évolution s’accompagnerait en fait d’une plus grande concurrence entre les acteurs de la complémentaire pour prendre en charge ce qui ne le sera pas par la Sécu car les régulations actuelles disparaîtraient. Disparaîtraient aussi les dispositifs fiscaux et les obligations des employeurs. Ceux et celles qui pourront se payer une bonne assurance complémentaire le feront, ou parfois de manière dispersée via des négociations d’entreprises ici ou là.

L’idée de la « Grande Sécu » ne serait pas une avancée sociale. Toute la politique actuelle nous indique qu’il s’agirait d’une réforme dont l’objectif sera de contenir les dépenses publiques en renvoyant le reste au marché pur et dur. Cette volonté d’étatisation n’existe pas seulement sur le dossier de la santé mais aussi dans les projets pour l’Agirc-Arrco ou l’assurance chômage.

Cela ne veut pas dire que rien ne doit bouger. La majoration des cotisations en fonction de l’âge, introduite à l’origine par les assurances privées, est devenue insoutenable pour les retraités.

Alors plutôt que faire dans le simplisme, il serait plus responsable de rappeler les objectifs de notre pacte social pour renforcer les relations entre l’État et les acteurs de la société civile, en particulier les mutuelles, qui souhaitent s’engager, pour refonder une protection sociale solidaire.

Propos recueillis par Nicole Chauveau